Maurice Maubert
l’art en voyage
Pour Maurice Maubert, « le ciel est ouvert. L’art peut éclairer, nous délivrer du formatage ambiant ». « L’art, dit-il encore, c’est la vie » (in Art Interview, Valérie Galassi, le 11 octobre 2012). Et si la vie est un voyage, c’est lui qui procure les émotions, les rencontres et les échanges, dont l’art se nourrit.
Tout commence à Nice. C’est là que Maurice naît, en 1960. Son père Charly Maubert est une figure sportive : il a été champion de France de moto en 1958. Adolescent, Maurice pratique le football à l’OGCN (Olympique Gymnaste Club de Nice). Il fréquente aussi le Lycée du Parc Impérial. Mais, déjà, il ne s’intéresse ni aux études, ni vraiment au football. Son rêve, sa passion, c’est la Bande Dessinée. « Depuis tout petit, je dessinais, j’adorais ça. »
En 1978, pour se perfectionner, il intègre l’Ecole des Arts Décoratifs de Nice. Au bout d’un an, il déchante : la BD n’est pas très bien vue aux Arts Décos. Il décide donc de quitter l’école. Direction Paris. Il a 19 ans. Grâce aux relations de son père, il peut entrer en contact avec Raymond Moretti, un peintre d’origine niçoise, dont la notoriété est bien établie. Moretti l’aiguille vers Guy Vidal, le directeur de la revue « Pilote », une bible de la BD. Maurice lui montre ses dessins. Vidal l’encourage et le recommande à Julio Ribera, l’un des dessinateurs du journal, auteur d’une série célèbre : « Le Vagabond des Limbes ». On ne peut pas rêver mieux comme début. Maurice a comme on dit le pied à l’étrier. Mais l’aventure parisienne tourne court. En 1982, il redescend à Nice. Il continue à faire de la BD. C’est l’époque où des artistes locaux cherchent à faire revivre l’identité niçoise, dans un esprit alternatif. Maurice dessine pour des journaux rattachés à ce mouvement, notamment « La Ratapinhata », créée par le poète Janluc Sauvaigo. Mais il se sent à l’étroit dans la BD : « Je ne me voyais pas passer ma vie derrière une table à dessiner des albums. » Il a besoin de mouvement, d’espace. Et déjà, il pense à peindre. Il apprend le métier avec l’aide d’un peintre, Pierre Gousserey, dit « Pierrot la Valise ». Mais le besoin de s’évader reprend le dessus. A la fin des années 80, il part pour l’Asie. Il visite la Chine, le Tibet, le Népal, l’Inde. Le voyage dure un an et demi. En rentrant, Maurice a plus que jamais l’envie de peindre. Il réalise douze toiles « figuratives, réalistes avec une touche mystique » (in Art Côte d’Azur). Sa première expo crée l’événement. Il accroche ses douze toiles sur les façades de la Bourse du Travail, au cœur du Vieux Nice. L’art s’expose dans la rue. Et Maurice redouble d’activités. Il se rapproche de Louis Pastorelli, qui rentre d’un voyage du Brésil. Tous deux veulent proposer autre chose que « l’art-galerie institutionnel ». Ils investissent un hangar de bus désaffecté du quartier Saint Roch à Nice. 3000 m2 qui vont devenir, au début des années 90, l’épicentre de la contre-culture niçoise. Maurice est à la fête. C’est l’un des hommes orchestres de cette « friche » en ébullition permanente où ne tardent pas à défiler plasticiens et musiciens : le « Massilia Sound System », les « Fabulous Trobadors », et surtout, le groupe « Nux Vomica » qui rassemble Maurice, Louis Pastorelli , Vincent Calassi et beaucoup d’autres artistes niçois… « Ca a été 3 ou 4 années d’une belle aventure », confie Maurice au « Petit Niçois ». Il éprouve pourtant le besoin de s’en éloigner. Une fois encore, il est à l’étroit. Il faut qu’il fasse exploser les cadres. Et cela, plus que jamais, passe par la création artistique. En 2000, Serge Dotti lui laisse son atelier dans les immenses locaux des casernes des Diables bleus. Il y reprend son activité et participe à « Can & pouorc » (chien et porc, en niçois) 1 et 2, deux grandes expositions collectives qui regroupent Ernest Pignon Ernest, Ben, Louis Chacallis, Moya et beaucoup d’autres artistes de la région.
Lo Passatgin Enigmatico
Le travail de Maurice se développe désormais dans trois directions : la peinture sur toile, le dessin à l’encre et la sculpture en terre. En 2008, à la Galerie de la Marine, à Nice, il propose une grande exposition-installation-événement sous le titre : « Santa Manza, Lo Passatgin Enigmatico » (Santa Manza, le passager énigmatique). Le Santa Manza est un cargo. Son nom est emprunté à celui d’un golfe de Corse et le Santa évoque diverses églises niçoises. A l’origine, il y a un cargo bien réel celui-là, que les Niçois voyaient amarré dans le port : le Capo Rosso. C’est lui qui a donné à Maurice l’idée du Santa Manza. Il symbolise l’évasion, le voyage vers des pays lointains, réels ou imaginaires, peu importe. L’exposition comprend une série de toiles inspirées par la mer. Elles sont accompagnés d’un ensemble de dessins à l’encre représentant des « passeurs » prêts à embarquer à bord du Santa Manza : « artistes, poètes, shamans, voyageurs de la nécessité, Fellini, Caza le violoniste, vous et moi, et beaucoup d’autres… » Pour Maurice, il ne s’agit surtout pas de touristes, mais de voyageurs : « Un voyageur, dit-il, c’est quelqu’un qui passe. Il peut rester ou repartir. Il n’est pas sûr de revenir à son point de départ. Ses raisons sont multiples, ça peut être un exilé, un immigrant, un artiste, on ne sait pas… » Au cœur de l’exposition, une barque est posée sur un banc de sable où sont disséminées des sculptures. Une bande musicale complète la scénographie. « C’était un peu comme au cinéma, un film, un story-board… », Et dans le texte de présentation, il précise : « Les ports sont des portes. Passés les quais, la digue, le phare, le réel rejoint l’imaginaire. La mer et le ciel nous offrent l’espace, l’horizon. Nos rêves sont avec nous partout où nous sommes. »
Depuis, Maurice a continué à exposer, à montrer son travail : peintures, sculptures en terre, encres de chine. A combiner les trois pour créer des installations, qui, toujours, ouvrent des horizons, nous font voyager. Au début 2014, il cherche un grand atelier où travailler, échanger, donner naissance à des œuvres nouvelles, qui fixeraient, sur une toile, un dessin, dans une sculpture ou une installation, un moment de bonheur, un instant de plénitude dans l‘apparent chaos du monde.
Leave a Reply
Want to join the discussion?Feel free to contribute!